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Les soins palliatifs précoces, qu’est-ce que c’est ?

La Convention citoyenne sur la fin de vie commence ses travaux ce 9 décembre. Sensible à cet enjeu éthique et de société, la Coordination bretonne pour les soins palliatifs se penchait sur les soins palliatifs précoces, lors de sa journée régionale, le vendredi 25 novembre 2022, à Saint-Brieuc.

Qu’entend-on par « soins palliatifs » ? Le terme fait-il autant peur du côté du patient que des médecins non spécialisés dans cette discipline ? Est-ce là où s’arrête la médecine (celle qui soigne, qui guérit) ? Ou au contraire est-ce là où elle trouve son sens le plus fort, dans l’accompagnement jusqu’au bout de la vie ?

Ce vendredi 25 novembre, 600 professionnels de santé ont pu réfléchir à l’expression « soins palliatifs » et à ce qu’elle déclenche dans la tête d’un patient, lorsqu’elle est prononcée en sa présence. Docteur Jean-Claude Mino, de l’Institut Curie, invité par la Coordination bretonne des soins palliatifs, a pu rappeler l’histoire de son apparition dans le langage médical, au milieu des années 1980. Il distingue la façon dont les soins palliatifs sont appréhendés selon que l’on appartient au corps médical ou que l’on se place du côté du patient et de ses proches.

Du côté des cancérologues

« Pour le corps médical dans son ensemble, étiqueter un patient « soins palliatifs » signifierait entamer pour lui la séquence finale de sa maladie. Avec l’arrêt des traitements, c’est donc le passage dans un stade thérapeutique temporaire », explique Jean-Claude Mino. « Avec comme conséquence, si ce « passage » est tardif, que l’équipe de soins palliatifs n’ait plus qu’à gérer l’agonie. » On voit bien comment naît alors une conception commune péjorative du mot palliatif.

Pour le médecin en soins palliatifs

Du côté des médecins qui exercent au quotidien les soins palliatifs et ont parfois suivi cette spécialité en fac de médecine (DU), il s’agit au contraire de soins continus auprès du patient, afin de soulager sa douleur (physique autant que psychique). En soins palliatifs, il y a de la place pour l’anticipation, y compris lorsque le patient est encore en chimiothérapie (afin de poursuivre l’action sur les symptômes, même si la guérison de la maladie n’est plus envisagée). Dans cette continuité des soins, le curatif et le palliatif sont étroitement intriqués. La prise en charge des multiples problèmes du patient peut être active, efficace et pleinement dans la médecine. Et ce jusqu’au dernier souffle de la personne.

Selon le patient et son entourage

L’annonce à un patient qu’il va être transféré dans une unité de soins palliatifs ou qu’il recevra la visite du médecin de soins palliatifs… peut déclencher une réaction de panique tant l’expression est synonyme de mort quasi immédiate. D’où la prudence de la part de l’équipe pour ne pas affoler ni le patient ni ses proches. Contrairement aux idées reçues, la phase de prise en charge palliative peut être longue : un mois, six mois, un an… Mais le non-dit, le silence par rapport à la perspective d’une fin de vie peuvent aussi amener un retard dans la prise en charge, notamment quand le patient est à domicile. Ce qui ne fait qu’encourager la confusion chez le grand public entre soins palliatifs et derniers instants de la vie.

« L’instauration de soins palliatifs précoces est bénéfique pour tous les cancers » (professeur François Godwasser, chef du service de cancérologie à l’hôpital Cochin-Port-Royal)

Tout l’enjeu est donc de travailler sur « l’annonce des mauvaises nouvelles » et de prendre conscience des pratiques du silence, sans les juger car elles sont parfois nécessaires. D’autant plus quand on sait que « l’instauration de soins palliatifs précoces est bénéfique pour tous les cancers », comme l’affirme le professeur François Godwasser, chef du service de cancérologie à l’hôpital Cochin-Port-Royal, également invité à cette journée. Car « il est démontré que les soins palliatifs augmentent la durée de vie. Une personne qui va mal, si elle est accompagnée par quelqu’un dans sa globalité, même sans acte médical, vivra plus longtemps. »

Une médecine personnalisée

Cette journée m’a fait réfléchir à la place de la biographie hospitalière en soins palliatifs. La biographie hospitalière, telle que nous la pratiquons avec Passeur de mots, passeur d’histoires, va bien dans le sens de tout ce qui contribue à une médecine personnalisée. Dans le service où je travaille, au CH de Saint-Brieuc, qui accueille des lits dits « de soins palliatifs », la biographie hospitalière est partie prenante de cet accompagnement global du patient. Avec les autres soins de support mis en place dans le service (massages, aromathérapie), elle contribue à ce que le patient soit préservé en tant que personne. Elle augmente sa qualité de vie : c’est un soin centré sur la personne et pas seulement sur la maladie. Offrant autre chose que le « faire » médical, elle permet à la personne d’être écoutée sur un temps long et se lancer encore dans un projet pour elle et pour ses proches. Un livre unique, un cadeau à transmettre… ça motive ! Alors, autant la proposer le plus tôt possible, dans le cadre de soins palliatifs précoces.

Remise d’une biographie à domicile auprès d’une personne gravement malade, en août 2022.