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Quelle place pour le récit de vie en soins palliatifs ?

Du 7 au 11 juin, j’ai eu la chance de pénétrer dans l’Unité de soins palliatifs du CH de Guingamp, d’y participer aux réunions entre soignants, d’entendre leurs questionnements éthiques, de voir leur infini respect pour toutes les personnes en fin de vie qui leur sont confiées. J’ai pu y expérimenter des ateliers de quelques minutes au chevet des patients, quelques instants suspendus.

A Guingamp, l’unité de soins palliatifs (USP)est située au rez-de-chaussée du bâtiment hospitalier, juste à côté du hall d’entrée et de la maternité. J’entends un bébé pleurer… Signe que la fin de vie doit côtoyer tous les stades de l’existence et ne pas être cachée, reléguée dans un coin obscur de l’hôpital. J’ai pu découvrir ici combien l’USP est un lieu d’accompagnement de la vie vers la mort avec le plus de douceur et de délicatesse possibles, dans un grand respect de la singularité de chaque personne.

Cette unité de soins palliatifs est la seule du département des Côtes-d’Armor. Les proches des patients y pénètrent à toute heure du jour et de la nuit, y compris le chien (comme sur cette photo celui de Mme H. apporté à son chevet par sa voisine), le chat, ou encore le hamster de la personne en fin de vie. J’y ai réalisé un stage du 7 au 11 juin 2021, dans une période marquée dans par la prise de parole médiatique du généticien Axel Kahn sur son cancer incurable et son approche – apparemment – paisible de sa mort prochaine.

La biographie aurait-elle sa place dans un service de soins palliatifs comme un nouveau soin de support ? Alors que les moments où ils ne sont ni trop douloureux ni trop assoupis se raréfient, est-il possible d’y proposer une activité autour des mots et de la mémoire ? Une semaine, c’était trop peu pour entamer une biographie. J’ai donc choisi de proposer aux patients de s’évader quelques minutes par la contemplation de photographies, par la lecture de poèmes (chinois !) et par les jeux avec les mots.

J’ai appris tant de choses…
  • J’ai appris que c’est bien le malade qui décide s’il a envie de m’accueillir dans sa chambre ou non, d’accepter ce que je lui propose ou non.
  • J’ai appris à accepter le « oui » comme le « non » de la personne, tout en donnant la possibilité de faire appel à moi plus tard.
  • J’ai appris que la chambre du patient est son « chez lui », son lieu d’intimité qu’il faut respecter, où l’on n’y pénètre pas sans son aval.
  • J’ai appris qu’il ne s’agit pas forcément de « faire quelque chose » pour le malade, mais que ce dernier a peut-être besoin tout simplement de quelqu’un qui reste là, même en silence.
  • J’ai appris à bien préparer mes outils, notamment les photos. « Tant que tu ne comprends pas intérieurement ce qui se passe chez ces patients, tu risqueras d’être malhabile en proposant une activité trop extérieure à leur vécu », m’a prévenu Dr Stéphane Juquin (chef du service). J’ai donc enlevé certaines photos de mon classeur.
  • J’ai appris sentir quand la personne est fatiguée et souhaite être seule (même de la part d’un malade SLA qui ne communique qu’avec les yeux).
  • J’ai appris, paradoxalement, à m’empêcher de prendre de notes quand la personne me parle en confiance et souhaite s’en tenir au récit oral.
Transmettre leur vie à d’autres vies

La biographie pourrait trouver sa place en soins palliatifs, auprès de patients qui y séjournent régulièrement, pour une adaptation de leur traitement, pour un répit pour leur proches, mais qui ne sont pas encore dans les tous derniers jours de leur existence. Des patients conscients de leur mort prochaine, avec le vif désir de laisser une trace, de transmettre leur vie à d’autres vies, pour que d’autres vies soient possibles, enracinées dans une histoire, leur histoire.